• Tatie

    Tatie

    Elle était drôle et pleine d’entrain. Je me souviens de nos « jeux de mains, jeux de vilains », petites luttes qui se terminaient vite et déclenchaient le rire, de ses récits de batifolages dans les champs avec sa tante pétomane, quand elle était petite. Elle était aussi calme et discrète à ses heures.
    Elle prenait un soin méticuleux des lieux qui l’abritaient. Souvent le même, car elle était d’une génération d’enracinés. Sa maison, son appartement, ont brillé du sol au plafond.
    Elle aimait cuisiner et manger de bonnes choses, bonnes par la saveur et par la santé qu’elles entretenaient, mais aussi boire un bon vin. La santé la caractérisait d’ailleurs. Une santé de fer. « Elle nous enterrera tous », disait maman. Eh oui ! La fin a été longue, tribut payé à la force du corps.

    Elle a voyagé, un peu. L’Italie (Capri ! comme dans la chanson d’Hervé Vilard), l’Autriche. La villégiature estivale en Bretagne, terre de son deuxième mari. Et pourtant, elle aurait mille fois préféré se balader en montagne. Sacrifice de l’épouse docile.
    Ce mari, ma mère l’avait aidé à le trouver, par petites annonces, quelques temps après son divorce d’avec le traître Hervé parti sans laisser d’adresse, et alors qu’elle « faisait une dépression ». Mais elle s’en repentit sans doute maintes fois car, le bougre, il n’avait rien de ce qui plaisait à maman. Que de disputes ! Même à la belote, « on » ne s’entendait pas. On s’éloigna donc. Elle perdit une sorte de demi-sœur qui l’avait accueillie et consolée. Une familiarité de tous les jours et de toutes les joies.
    Mais il y avait d’autres relations… une copine de jeunesse avec qui rire, Paulette, puis une commerçante avec qui elle fréquentait le cinéma du quartier quand le mari s’en est allé vers d’autres cieux, à cause d’une longue maladie qu’elle a accompagnée, comme elle avait accompagné sa mère quelques années plus tôt. Aussi une voisine de l’autre côté de la rue avec qui s’emmêle l’histoire de la famille, puis son frère devenu veuf, mon père.

    De caractère assez égal elle ne mâchait pas ses mots, comme toute bonne méridionale qui se respecte. « Mais tu n’as pas mis de soutien-gorge, oh, ce n’est pas joli » ou plus récemment, à l’intention d’une soignante : « il faut vous surveiller, sinon vous allez prendre un gros cul ! ».
    Ses passions étaient simples : les chiens (elle en a eu plusieurs, Franka, Miou, Sari…), la chanson française (ah, Mike Brant !) et les ténors légers (Luis Mariano, idole familiale).

    Elle a parfois manqué de clairvoyance, parfois de bienveillance ou de retenue dans les ragots, bien sûr, ou d’audace dans les initiatives. Mais il est temps de pardonner.

    C’était ma tante Josette. Tatie. Elle vient de mourir de vieillesse, à 96 ans.


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  • Commentaires

    1
    Franck
    Jeudi 13 Mai 2021 à 09:32
    Un bel hommage à ta tante que nous avons eu l'occasion de rencontrer.
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