• Ce qui insiste

     

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    Ce qui insiste
     
    Une courte promenade m’a emmenée le long de la Sèvre nantaise. De la lumière à l’ombre du sous-bois et retour. La rivière est piteuse, couverte de lentilles d’eau. Si alanguie entre ses rives qu’elle en devient lac et dégage une légère odeur de pourriture. À certains endroits, là où s’enclenche un paresseux tourbillon, on dirait même qu’elle inverse son flux, que l’amont devient aval, en une dynamique écoeurante. Pourtant, la petite source qui traverse le sentier goudronné n’a pas abandonné le combat du vif. On s’y mouille toujours les semelles. Un vrai mystère en cet été qui aplatit tout de sa touffeur.

    Comment tâter l'insistance de l’écoulement indifférent d’une matière qui ne nous doit rien et pourtant nous fait vibrer ? Traverser le spectacle du monde pour en toucher la pulpe. Je me sens spectatrice et prisonnière d’une histoire à laquelle l’œil et l’esprit donnent forme, que le discours intérieur nomme, circonscrit, et en définitive, raconte.
    Romain Rolland parlait de « sentiment océanique », une impression d’appartenance, devenir rejeton du monde – échapper au paysage.

    Certains tentent d’effacer les mots : on écrit ses mots-pensées au vol, puis, comme avec un chiffon sur un tableau, on les efface, lettre après lettre. Mots-obstacles, mots-séparations qui labellisent et fragmentent l’entièreté de l’univers, délinéant les formes qui ne le composent pas. Peut-on rendre transparent l’écran de la conscience, puis traverser un jour l’écran pour aborder dans les choses ?

    Les neurosciences nous apprennent que, par économie, la vision est toujours d’abord projection de la forme attendue, préformation, puis réajustement en fonction de ce qui est envoyé depuis l’ «extérieur ». On ne voit vraiment que ce qui déroge, ce qui est saillant, tout le reste du monde est une projection - réincorporée.

    Seul, peut-être, l’enfant, avant de parler (in-fans) a-t-il un rapport d’appartenance au monde et regarde-t-il autour de lui le monde comme un prolongement de ce qu’il est (et non lui comme membre du monde : ce retournement, déjà…). Freud d’ailleurs, s’adressant à Romain Rolland, décrie comme infantile toute recherche de fusion.
    Cette fraîcheur de la vision d’enfance la retrouve-t-on par des exercices, ou plutôt par un abandon à l’existant ? Peut-on s’efforcer au laisser-être ? Ou, en désespoir de cause, s’autoriser à renoncer…

    Une autre voie pourrait être celle de la méditation qui tente de nous exercer à voir ce qui se passe en nous en le décollant par là même de notre capacité à voir, de ce qui en nous voit en tant que tel. Alors, à la longue, nos filtres sont désencrassés laissant place à une certaine transparence, à la possibilité d’une immersion, d’une immédiateté perceptive du monde et dans le monde.

    Alors... la parole ?

     


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