• Oreiller-moi

     

    Attrape-rêves

     

     

    J'emporte mon oreiller quand je voyage. Idéalement moelleux et suffisamment plat, il constitue mon "chez moi" exporté. Mes cervicales y sont à l'aise, ma colonne alignée.
    J'ose à peine dire que je lui ai donné un nom. Individualiser c'est reconnaître et célébrer un objet. Projeter ses affects dans un doudou neutre que l'on imagine compatissant ou, en tout cas, accueillant.

    Ce que Didier Anzieu appelle le "moi-peau" en est conforté. L'enveloppement est un pare-sensations qui enclenche un sentiment de sécurité. Sensation apaisante comme le sein maternel ou bien substitut de la fourrure protectrice disparue chez le mammifère humain, qui satisfaisait la "pulsion d'agrippement"chez les petits singes par exemple*.

    Enfouir sa tête dans une masse douce, un sac empli de petites plumes, émanations de la peau de l'oiseau, pourrait favoriser l'émergence d'un rêve d'envol, à l'opposé direct du contact avec la terre que désire pourtant celui qui se couche. L'espace des rêves ne s'embarrasse pas de topo-logique. La peau, comme entre-deux, l'oreiller objet transitionnel, manière de trouver une limite qui structure sans brutaliser. Trouver la terre sans s'immerger dans le froid du mourir. Horizontalité sans dureté (et là il faudrait quelques pages sur l'hospitalité du matelas !) qui permet au silence bienfaisant du sommeil de s'enclencher, à la nuit de se développer en englobant l'animal dont la vigilance a laissé place à la confiance et à l'abandon.

     

    * Didier Anzieu, Le Moi-peau, Dunod, 1992, p.23 et plus largement les deux premiers chapitres.


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