• Immersion

    Immersion

     

    Ils sont tous d'accord (Freud, Bachelard and Co) pour rattacher l'expérience d'immersion à la foetalité, au lien à la mère.
    Quand, cet été, j'ai replongé après tant d'années dans l'étendue liquide, mi-frigorifiée mi-courbatue mais foncièrement heureuse, j'ai pensé très fort à mon père et à son désir avorté (par la force de sa mère !) d'être marin. Il m'est apparu que la mer éloigne de la mère et de l'épouse.
    Elle impose son miroir liquide agité du soubresaut des vagues comme une coupure. La coupure des vacances d'été et de la navigation de plaisance, celle des explorations pour le travail, la recherche et la guerre. Évasion pour une réalisation hors des tentacules maternels, renonçant au lien ombilical avec frénésie, délices ou par vocation.
    La réalité du 'sentiment océanique' après les illusions du bain amniotique.
    Je me suis sentie corps et esprit entiers, complets, en pleine et légitime possession de ce que je suis. Portée par l'anonymat et la profondeur de l'étendue liquide. Emmenée à être par le fond universel et neutre. Brahman comme l'invoquent les hindous ?
    Cette étendue grouille pourtant de tant d'autres êtres mais nothing personal, aucune intention vers moi. Tous dans la neutralité portante. Une suspension dans le fluide, qui pourrait aussi bien être l'espace ou le temps que des milliards de litres d'eau salée, arrête le déroulement habituel des événements du monde. La vague rumeur qui vient de la plage n'y peut rien.


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  • Commentaires

    1
    cle6940
    Samedi 11 Septembre 2021 à 12:29

    la mer interroge peut-être de manière fondamentale : et comment se faire accepter dans le mouvement d'une grande vague, "arriver entre" au lieu d'être origine d'un effort ?

      • Alacrite
        Samedi 11 Septembre 2021 à 21:53

        Merci de ton commentaire, qui me rappelle tant de passages et d'images laborieuses de mon analyse !

        Confucius admire un individu qui sort tranquillement d'une chute d'eaux si tourbillonnantes et violentes que "ni tortues ni crocodiles ne pouvaient se maintenir à cet endroit". "Avez-vous une méthode pour surnager ainsi ?" "Non, répondit l'homme, je n'en ai pas. Je suis parti du donné, j'ai développé un naturel et j'ai atteint la nécessité. Je me laisse happer par les tourbillons et remonter par le courant ascendant, je suis les mouvements de l'eau sans agir pour mon propre compte. (...) Je suis né dans ces collines et je m'y suis senti chez moi : voilà le donné. J'ai grandi dans l'eau et je m'y suis peu à peu senti à l'aise : voilà le naturel. J'ignore pourquoi j'agis comme je le fais : voilà la nécessité".
        Le Tchouang-Tseu in Leçons sur Tchouang-Tseu de Jean-François Billeter p. 28-29, traduit par l'auteur. Le commentaire de JFB est éclairant aussi.
        J'aime beaucoup le verbe influer, fluere-in.

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