• La peur d'aller bien

    Escargot




       N’avez- vous jamais éprouvé ce sentiment, diffus qui, au moment même où, vraiment, rien de net ne s’annonce comme inquiétant et où vous en prenez conscience l’espace d’un instant, vous fait douter de cela précisément et tellement douter que peu à peu cette suspension du jugement devient, pas à pas, imperceptiblement, certitude de l’inverse ?
    Comme si un signal mystérieux disait à votre esprit « danger » au moment précis où il pourrait se relâcher, être tranquille, et même, osons le mot, heureux. Un repli. Comme un escargot rencontrant un objet, rétracte instantanément son  désir d’avancer, son oeil-tentacule.

        Je suis dans une situation où j’avance, où ça baigne, où le réel semble s’aligner sur mes intentions et… non. Il ne s’agit même pas de réflexion, d’un « c’est trop beau pour être vrai ». C’est plutôt une sorte d’acte réflexe mental. Mais préparé par une histoire. Une façon de se recroqueviller sur sa petite tradition personnelle habituée au malheur, à l’anxiété, à la douleur. Une résistance… inconsciente ?

       Le yoga appelle sadhana la pratique régulière d’une stratégie pour développer la conscience, la clairvoyance, et éloigner la souffrance (la psychanalyse l'appelle cure) ; alors ce réflexe conditionné peut apparaître et plus il apparaît, plus il a de chances de réapparaître à l’occasion du déclenchement suivant. Jusqu’à ce que la conscience s’en empare, en fasse le tour, l’absorbe. Il sera peu à peu moins actif. Il se déclenchera moins souvent, une fois sous les feux de la rampe. Car dorénavant, l’on a conscience qu’y céder c’est un peu s’y adonner. Que le masochisme n’est pas loin. La volonté permet alors de s’éloigner de ce sillon pour commencer à en tracer un autre, à distance de la fatalité du malheur.


     


  • Commentaires

    1
    Maya
    Jeudi 16 Juin 2022 à 19:12
    Oui, et dans ma profession de soignant il y a aussi la peur de guérir. Quand une personne malade ne veut pas guérir par peur de ne plus exister. Soit que sa pathologie lui apporte une attention une existence qu'elle ne pourrait avoir sans elle , soit que l'assimilation personne-maladie est trop grande. Pour l'exemple de l'alcoolique, avant de voir l'alcoolique il faut voir la personne et avant de voir le malade il faut voir la personne... Très beau texte Nath, Merci.
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