• Le vide forme de la vie
    Tunnel du métro 

    Le vide absolu n’existe pas. Même dans l’espace, même à l’intérieur de l’atome. Aristote semble avoir raison avec sa fameuse sentence selon laquelle la nature a horreur du vide.

    Dans l’espace interstellaire, où il n’y a pourtant, en moyenne, qu’une entité chimique (atome, ion ou molécule) par centimètre cube - contre des dizaines de milliards de milliards dans l’air que nous respirons – il se trouve aussi, on l’a découvert depuis les premiers radiotélescopes (années 30) et on en découvre encore, des composés ou espèces polyatomiques, et toutes sortes d’éléments, dont les « briques » de la vie.
    Comment cela se passe-t-il ?

    L’atmosphère interstellaire de « vide extrême » (moins de 10-11 millibars, pression qui règne à la surface de la lune par exemple, et souvent encore moins) n’est pas favorable à la création de ces corps car il y a infiniment peu de probabilité que des entités s’y rencontrent. Hors des nébuleuses gazeuses, le vide est très chaud (milliers de degrés entre les nuages interstellaires et millions de degrés dans la couronne galactique) et produit alors un rayonnement destructeur des structures polyatomiques.

    Les corps naissent donc dans des régions de l’espace particulières appelées nuages moléculaires, où les rayonnement sont stoppés par les couches externes des nuages. Ce sont des zones sombres et froides (entre – 260 et -160 ° celsius) où la densité de particules est exceptionnellement élevée…pour l’espace ;-) : jusqu’à 10 000 par centimètres cubes.

    Mais cela ne suffit encore pas, la probabilité reste trop faible. Il faut un support solide, des grains de matière, un ensemencement. Ce sont des grains de silicate ou de matière carbonée. Ils représentent 1% des nuages moléculaires matriciels et font office de facilitateurs : les atomes les plus courants s’y condensent. C’est ainsi que naissent l’eau, l’ammoniac, le méthanol dans l’espace. Les molécules simples.

    Les molécules plus complexes ont besoin de plus d’énergie pour se former. Elles apparaissent donc au voisinage des proto-étoiles, les étoiles jeunes, la nursery de l’espace qui fournissent un rayonnement propice. Par exemple, la nébuleuse proto-solaire. Les preuves en sont revenues avec les sondes Rosetta (2014) et Stardust (2004) qui ont apporté des débris pris sur les comètes 81P et 67P où se trouvaient des éléments nés dans cette nébuleuse.

    Ces missions, très coûteuses, ne seront pas renouvelées pour l’instant. Cependant, 15 laboratoires dans le monde travaillent sur des dispositifs artificiels dans des vides moins poussés que l’on peut fabriquer (« ultravides ») pour essayer de recréer ces phénomènes.

    Source : La Recherche juillet-août 2020, n° 561-562. Article de Martin Tiano, Chimie complexe en milieu raréfié.


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  • La voix de l'autre

    Notre immeuble, construit dans les années 50, est sonore d’un étage à l’autre, surtout quand on s’est isolé du bruit extérieur par des doubles vitrages.
    J’entends donc très bien ma voisine un peu sourde téléphoner. Elle téléphone, de plus, souvent au moment où je souhaite prendre du repos. Parfois je distingue jusqu’à ses mots. 

    Adepte de l’attention méditative, je tente alors un exercice tout simple de détente focalisée successivement  sur les différentes parties de mon corps ; mais « décrocher » de ce fonds sonore de voix humaine s’avère un effort intense. Mon cerveau est tendu dans un effort supérieur de compréhension et d’interprétation du discours de cette dame, qui rend inopérante ma tentative durant un long moment. J’y parviens finalement, au prix d’un travail que mon psychisme juge herculéen.

    Se combinent là la tendance du cerveau-psychisme à se focaliser sur les activités de connaissance du néocortex, une pulsion de curiosité (je connais – superficiellement - cette voisine âgée, sans doute cela attise-t-il mon désir d’en savoir plus), et un élément assez obscur d’adhérence à l’univers proprement humain, de sociabilité innée.
    Et aussi d’autres choses, plus intimes… Ainsi, je sais que cette femme a perdu son mari, qu’elle est donc solitaire. Une part de moi redoute un accident car je la sais aventureuse, et tend l’oreille dans l’objectif d’être plus prompte et donc efficace dans l’aide éventuelle à lui apporter… ou bien il s'agit de curiosité morbide... : jusqu'à quand va-t-elle "tenir" avant de "tomber", vu son âge ? Hypothèse moins reluisante mais tout aussi possible.

    Quelle « chose » intéressante que ce cerveau-psychisme, qui toutefois nous a amenés tout doucement vers la sixième extinction !


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  • Miroir
    Paris, près du café des Deux Magots.

    Un jeune chien passe le long d’une vitrine rendue miroir par un rideau de fer descendu derrière. Il est arrêté par une odeur agréable au sol, puis, en levant les yeux, aperçoit son image. Il tombe littéralement en arrêt devant, hypnotisé, vacillant un peu sur ses pattes. Il s’assied, comme testant ce qu’allait faire « l’autre », comme cherchant une explication à cette bizarrerie. A ce moment, j’ai vraiment l’impression qu’il fait une expérience, comme le ferait un enfant. Je suis saisie aussi, arrêtée dans ma progression. Le chien cherche alors à faire réagir différemment de lui l’autre, il aboie, puis pose sa patte sur la vitrine, toujours captivé.
    Sa maîtresse, qui souhaite avancer mais est intéressée, s’accroupit près de lui, pensant sans doute montrer par là à son toutou que c’est bien son image, puisque « l’autre » a aussi comme centre de sa vie de chien, la même personne que lui. Elle essaie de le sortir de sa contemplation, alors que le chien gigote de plus belle devant son double, qui l’encourage en faisant de même. Rien n’y fait, pas même les caresses, les tentatives de réconfort (le chien semble effectivement inquiet autant que joueur). Il faut qu’elle le prenne dans ses bras pour l’arracher au spectacle du même. Ce n’est que rendu de l’autre côté de la rue que le chien consentira à renifler l’herbe du jardin public et l’odeur de ses congénères au lieu d’essayer de résoudre l’énigme du miroir.

    Cette histoire est sans doute assez commune mais l’intensité extra-ordinaire de l’orientation de l’énergie du chien vers sa propre image m’a saisie comme si j’assistais à un avatar de l’histoire de Narcisse. Sont-ce des résidus d’animalité qui agissent pour nous egocentrer ? En tout cas, le chien, lui,  semblait à l’inverse rechercher un autre, un partenaire de jeu; ce qui invalide mon ressenti et en fait une projection 'classique'.

    Tentons une ultime hypothèse, qui risque de me faire passer pour une illuminée. Tant pis ! Et si les chiens, à force de vie commune avec nous sur de très longues durées, étaient en évolution vers ce que l’on a pu nommer la naissance de la conscience de soi ?
    Je propose la lecture de Demain, les chiens de Clifford D. Simak, non pas pour approfondir la question (quoique…) mais pour y rêver.


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  • Etre calife

    (Jean et Nicolas Tabary, dessin
    René Goscinny et Jean Tabary, scenario)

    Je viens de me rendre compte que mon intérêt pour le cas du coucou était sans doute issu en droite ligne de l'ambiance émotionnelle et imaginaire du moment. Pourtant, je ne souhaitais pas faire droit dans ce blog à l'insistance sur "notre" pandémie. Eh bien, se soustraire à une ambiance si prégnante et si diffuse à la fois, n'est sans doute pas en notre pouvoir. Et pour cause...

    Le coucou, comme le virus, est un PARASITE ! Ils se nourrissent tous deux d'une autre espèce pour se reproduire. La colonisent, l'envahissent, au risque finalement de l'éliminer. Dans les deux cas, la tentative de 'meurtre' est d'inspiration 'suicidaire' puisqu'ils ont un besoin vital de cette espèce. Paradoxe ? Le même contre l'autre. Lutte infinie. Y mettre un terme est un rêve. Un voeu pieux. Héraclite avait sans doute raison. Virus, coucous, gui et autres parasites sont la manifestation asymptotique d'un type de rapport à l'autre. Et l'animal humain, comment manifeste-t-il cette tendance du vivant à l'accaparement à son profit de la vie de l'autre ?

    On peut se faire passer pour quelqu'un d'autre, qui vit toujours, capter l'attention, les biens qui lui étaient destinés, qui lui appartenaient. On peut tout simplement et de façon plus bénigne mais non moins nocive, envier la situation, les biens, la réputation d'un ou d'une autre. L'envie, une des passions tristes, me paraît être une forme concluante de cette pulsion d'accaparement.

    Je me souviens de la sorte de surprise et d'effroi qu'un compte-rendu que j'avais rédigé et qui était excessivement fidèle à l'enseignement de ma professeure, avait suscité dans son regard et ses paroles. Et dans ce cas, en plus, il y a le ridicule de vouloir "se faire calife à la place du calife" comme le souhaitait Iznogoud (quelle belle invention, ce nom !) . Etre une sorte de version riquiqui de l'original. Le subplot à la Shakespeare sans la drôlerie. La version vassalisée des rapports des maîtres. L'imitation terne du brio de l'original. Le vol considéré comme une grave déviation quant il touche l'autreté de l'autre, ce qui le rend lui-même.

    Et peut-être que la littérature serait la sublimation de cette envie, qui est aussi une forme de curiosité extrême, envie de connaître mais sans usurper,  en créant du différent sans se laisser aller à la fièvre du même. Car c'est l'animal humain que l'on débusque à travers la création d'individus, de personnages, en littérature. Reste à placer le roman à clefs dans cette affaire...


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  • Solidarité des corps

    Vélo d'appartement d'antan

    Je trouve le moyen de participer au cours de gym chez ma kiné encore ces temps-ci. Par quel bizarre processus mental j’ai suffisamment envie de me lever tôt pour courir gigoter sur un tapis qui risque de convoyer des germes avec des dames du coin qui – bien que prudentes, on ne peut en douter – n’en demeurent pas moins de potentielles vectrices ? Nous ahanons de concert dans nos masques humides…

    Mais voilà, c’est sans compter cette bizarre solidarité des corps potentiellement agiles ou moins agiles, souffrants ou exceptionnellement en forme selon les gens et les jours, qui donnent autant d’occasions d’échanges qu’ils donnent de soucis à leurs propriétaires. Sans compter aussi l’animatrice de tout ce cérémonial, gente personne d’une cinquantaine pimpante, claffie de qualités et de bonnes idées. La devinette du mois, par exemple, pour solliciter nos cerveaux dont les neurones n’ont qu’une envie c’est de se barrer au lieu de se muscler. Certes, ce n’est pas précisément l’objet d’un cours de gym mais c’est pourtant bien un exemple de la solidarité humaine par corps interposé, cette petite rivalité goguenarde qui s’installe quand, le séant sur la selle du vélo, on cherche en pédalant plus vite dix expressions contenant le mot « loup » !

    J’ai bien conscience que ce qui précède pourrait donner lieu à une interprétation au second degré. Mais non. Alors que je suis allée à ce cours plus par nécessité, donc à reculons, que par envie, je dois reconnaître que j’y reste par… plaisir. Il s’y joue un accord impalpable, qui émane d’une gentillesse de circonstance mais non feinte. On y discute avec vivacité autant de l’aspirateur qui ne donne pas mal au dos que de la nécessité du vaccin ou de l’impact de la neige sur la santé des os. Eh bien, en ce moment tout cela est soit utile soit réconfortant, soit les deux.

    Bien entendu, il arrive, les « mauvais jours », que je trouve les discussions lénifiantes, que j’en ressorte avec une indignation  hautaine d’intellectuelle mal entourée et alors je m’en veux. Je fais pourtant bien partie de ces dames, oh sans chapeau vert, mais avec une furieuse envie de partager des questions, des conseils, des considérations plus ou moins oiseuses mais souvent drôles, et surtout l’exercice du corps qui donne plus de confiance et plus d’énergie, qui redresse et pose. La semaine s’en ressent. Elle en sort dopée.


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  •  

    Les coucous, le mérion superbe, la pie et le merle, une sacrée histoire
    Un 'mérion superbe'

    La vie du coucou pourtant libéré des tâches « familiales » n’est pas idyllique.
    Les habitants légitimes se défendent de l’invasion des coucous par des stratégies voire des stratagèmes nombreux et ingénieux. Ils interviennent à chaque étape de la couvaison, jusqu’à l’envol et à l’autonomie du ou des « jeunes ». C’est une découverte récente, on pensait jusqu'alors que ces luttes étaient limitées à l'arrivée de l'indésirable. A ces défenses variées, les coucous « répondent » par d’autres.

    Les auteurs de l’article tentent l’image militaire, celle de la « guerre froide » pour évoquer ces dynamiques de réciprocité.
    Prenons un moment pour noter le côté assez genré du choix de la comparaison : on est dans un texte écrit par des hommes… Les coévolutions des espèces concernées pourraient être dénommées « dialogue inter-espèces » (Baptiste Morizot aimerait sans doute mieux), si l’action du jeune coucou n’était si choquante pour nous qui imaginons illico un tel traitement infligé à notre progéniture par une espèce alien. Les scientifiques choisissent au fil de l’article un terme plus neutre, « système parasite-hôte ». Sans doute est-ce le terme employé dans le monde des biologistes et éthologues. L’expression « guerre froide » est peut-être employée pour donner une assise symbolique et favoriser la transmission de connaissance. Nous sommes dans la vulgarisation, de haut niveau certes, mais vulgarisation tout de même (et heureusement, sinon nous n’y comprendrions goutte !).

    Il s’agit par exemple pour les espèces parasitées de construire des nids de plus en plus difficiles à localiser ou bien de trouver un moyen de reconnaître leurs propres œufs en variant notamment leur couleur, les dessins de la coquille… et cela dans un temps court, parfois pour la même femelle, ce qui est assez surprenant quand on pense à la conception lente de l’évolution que nous avons eue pendant très longtemps. L’œuf du coucou se trouve alors visible et sera rejeté. La stratégie du coucou essuie un échec. En gros, il est en retard d’une étape évolutive, ringardisé.
    Cependant, le rejet des œufs étrangers n’est pas le scenario adopté à tous les coups par l’hôte : il comporte le risque de rejeter le « bon » œuf, ou de tellement s’agiter qu’il endommage ses propres œufs. Le merle femelle accepte ainsi assez fréquemment des œufs plus lourds bien que les reconnaissant comme étrangers. De plus, certains coucous adoptent un « comportement mafieux » (sic) en détruisant systématiquement les nids des pies qui refusent leurs œufs, ce qui encourage les pies, perdu pour perdu, à accepter les œufs de l'envahisseuse lors des couvées suivantes.

    Les hôtes peuvent aussi agir par rapport à l’oisillon parasite même s’il est déjà seul dans le nid, autrement dit s’il a déjà « gagné » le combat et que l’on se situe alors à une étape plus avancée du processus de parasitisme. Une femelle de mérion superbe, passereau australien, a été étudiée en 2003. Elle avait carrément abandonné et laissé mourir de faim le coucou didric éclos dans son nid. Acte en apparence totalement gratuit puisque ses oisillons étaient déjà éliminés. Une ‘leçon’ au coucou pour la suite de l’évolution ? Certaines femelles hôtes, elles, dans les mêmes conditions, expulsent l’envahisseur en le blessant et le saisissant avec leur bec…
    Les coucous développent alors à l’extrême leur mimétisme de forme ou de chant au stade oisillon (voir les photos) pour ne pas être reconnus par leur future mère d'adoption, ou bien ils se spécialisent dans le lien avec une seule espèce-hôte, qui peut alors leur accorder l’hospitalité alors qu’elle la refuse à une espèce parasite rivale, construisant ainsi une sorte de partenariat stable pour un temps.

    Il arrive - rarement - que des oisillons de l’espèce-hôte et l’oisillon-parasite soient élevés ensemble. Dans ce cas, ce n’est que dans un stade encore ultérieur, après le premier envol mais avant l’autonomie, que les hôtes peuvent cesser de le nourrir. L’oisillon adolescent ne meurt généralement pas à ce stade car il arrive à se faire adopter par un hôte voisin qui, lui, n’a élevé que des coucous !

    Que de finesse dans la coévolution ! Quelle extraordinaire capacité à survivre et à changer ! En gros, peu importe la forme, pourvu que la survie de l’espèce soit assurée de chaque côté et chacun s’occupe au mieux de sa propre espèce…

    Mais non, parfois on s’occupe un peu du voisin :  les acceptations d’œufs étrangers peuvent être plus fréquentes lors de périodes où l’espèce parasite est en voie de disparition sur une zone donnée ! Le taux de rejet est passé de 65% à zéro en à peine dix ans dans l’expérience concernant l’agrobate roux et son coucou invité dans le sud de l’Espagne ; l’espèce coucou était en difficulté à ce moment-là. Un exemple de coopération, un coup de pouce inter-espèces. C’est inédit dans cette lutte, ou tout au moins dans le récit humain que nous nous en faisons pour l’instant, fruit de décennies d’études.

     Si le coucou avait su ce qui l'attendait dans cette épopée aurait-il tenté le coup ?

    D'après l'article de la revue Pour la science de janvier 2021, numéro 519. Auteurs : Francisco Ruiz-Raya et Manuel Soler.

     


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  • Voilà l'odyssée de l'oisillon coucou en 4 étapes,
    de l'arrivée : oeuf très semblable aux autres bien qu'un peu plus gros
    à l'installation définitive du seul oisillon coucou.
    NB Le coucou a la tête en bas en étape 3. Il pousse l'oeuf avec son moignon de queue.

    Photos du coucou



    Oisillon coucou, à gauche, en compagnie du 
    locataire natif du nid. Il réclame la becquée.
    L'art de la copie.

    Photos du coucou

    Pour la science n°519, janvier 2021.
    Francisco Ruiz-Raya et Manuel Soler.


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  • La manière d'être vivant du coucou

     

    Baptiste Morizot, dans son ouvrage absolument passionnant intitulé Manières d’être vivant affirme, avec des éthologues et des biologistes, que chaque espèce, chaque individu de chaque espèce, concrétise une perfection qui est la sienne dans son monde. Cette perfection est feuilletée de ce qu’il nomme des ancestralités : tous les traits anatomiques, physiologiques et comportementaux sélectionnés au fil des millénaires d’évolution pour arriver à cet individu qui, selon les circonstances et les changements du milieu pourra réactiver certains niveaux de ce feuilletage en dormance, et à l’inverse, mettre en sommeil certains autres inutiles ou contre-productifs ou… simplement indésirables pour telle ou telle raison. Une sorte de marge de manœuvre, ou volant de possibles assurant un comportement avec de l’invention. Cet individu est aussi l’ancêtre potentiel d’une lignée dont nul ne peut savoir quelles perfections, mystères, beautés elle manifestera dans les millénaires d’adaptation à venir.
    Cet animal, comme l'animal humain, existe en lien d’échange avec les autres individus de son espèce et aussi tous les autres vivants, d’une part grâce à l’évolution : tous les animaux proviennent d’un ancêtres commun qui a peu ou prou la tête d’une éponge et d’autre part grâce aux rencontres, communications et rivalités ayant lieu dans le monde commun.

    Après le méta-billet qui causait du « coucou » de salutation et de son collègue oiseau, billet qui a fait couler d’agréables bits sous les yeux enchantés de la toute jeune blogueuse que je suis, je tombe sur un dossier du mensuel Pour la science de janvier, sur… le coucou (comme on dit, ça ne s’invente pas !).
    Le coucou − cuculus canorus : coucou gris, ou chrysococcyx lucidus : coucou éclatant ou clamator glandarius : coucou-geai et bien d’autres coucous, de la famille des cuculidés ;-) − fait partie des parasites de couvée : sa manière d’élever ses oisillons est de les confier à une mère adoptive d’une autre espèce d’oiseaux.
    Le coucou est un cas d’école très longuement débattu dans l’histoire naturelle. Darwin pensait que les parasites de couvée (moins de 1% des espèces d’oiseaux, soit une centaine d’espèces − quand même) économisaient ainsi de l’énergie pour mieux trouver de la nourriture ou procréer.
    Il faut bien se représenter le scenario : une femelle coucou repère un nid, elle l’investit par opportunisme (la femelle est absente), par force ou par ruse (diversion faite avec le mâle coucou) et elle pond le plus vite possible un oeuf, le plus ressemblant possible aux œufs de l’espèce-hôte (sélection évolutive). Si tout se passe bien pour eux, l’œuf est couvé et l’oisillon éclôt. Il se dépêche  alors de virer les autres œufs car il est plus gros et il a besoin de toute l’attention nourrissante de la femelle-hôte : il escalade donc les parois du nid en portant sur son dos les œufs indésirables ou même les oisillons-hôtes s’ils sont nés, et les fait passer par dessus le rebord. Il répète cela autant de fois qu’il y a d’œufs ou d’oisillons ! Je « veux » vivre, vous devez mourir. A l’issue de cette tuerie, la mère-hôte élèvera le petit coucou comme si c’était sa progéniture.

    Bien entendu, il y a des variantes dans ce scenario coucou-idyllique. Je vous les promets pour un autre billet, ainsi que des images. Néanmoins, la perfection du coucou dans son monde est une perfection assez guerrière, si vous voulez mon avis d’animal humain au feuilletage évolutif culturel très moralisant…

    D'après l'article de la revue Pour la science de janvier 2021, numéro 519. Auteurs : Francisco Ruiz-Raya et Manuel Soler.

     


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  • Une journaliste correspondante du New Yorker à Paris, alors que des partisans du président Trump ont pris d'assaut le Congrès, certains avec des bannières confédérées, déclare : "Notre pays est en train de récolter les fruits de son histoire". Elle évoque en effet d'autres occurrences d'actions de ce type par les suprématistes blancs lors d'élections municipales. Pas récemment toutefois. Il s'agit d'histoire au long cours. Mais récemment, il y a les assassinats de personnes noires.
    Souhaitons que Kamala Harris et Joe Biden fassent avancer le pays à rebrousse-poil de cette histoire et de cette pente-là.

    L'actualité me tétanise un peu et je me demande si on saura dans quelques temps ce qui restera dans l'histoire de tout cela. Quel est le poids de ces événements ? Quel impact sur la suite ? On a un peu l'impression d'un remue-ménage constant, d'une écume mousseuse prête à s'envoler dans la trame des ans, comme la mousse d'une bière que l'on balaie avec un bout de bois plat. Pfffffuit !

    Un spécialiste présent dans l'émission disait, lui, qu'une fois le personnage Trump passé dans la périphérie de l'actualité "il n'y paraîtrait plus", pour ainsi dire, il disparaîtrait et que même les plus farouches opposants ne penseraient pas à lui intenter un procès pour provocation à insurrection. Est-ce du pragmatisme à l'américaine (il ne sera plus président, donc en théorie sans pouvoir) ou bien du réalisme compte tenu de l'existence médiatique qui se substitue souvent à l'existence tout court ? 


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    Je vous fiche mon billet...

    Il est d’usage de faire un petit blabla sur « le pourquoi du comment » ou, comme on dit dans la critique, un méta-texte.
    Alors ? Pourquoi écris-je ces petites (mais elles n’excluent pas d’être longues) bafouilles (mais elles n’excluent pas d’être de vrais textes : fiction, documentaire, tranches de réflexion construite) ?
    Autant dire que le genre n’est pas fixé, si genre il y a. En fait, il n’y a pas, si ce n’est précisément ce que dicte le medium du blog, ses exigences. Rester communicable, voire agréable pour un lecteur inconnu ou connu (plutôt connu dans un premier temps), tout en restant de l’ordre du désir et du plaisir pour le scripteur.

    Désir, plaisir, c’est ce qui m’amène. Aussi, souvent les billets parlent-ils de moi : plaisir le plus direct, même s’il y a des barrières mentales à la volupté de se dire. Plaisir le plus rapide à satisfaire. L’information sur le réel alentour, pour être objective, nécessite souvent un détour documentaire., un peu de boulot. Pfffff ! Ce n’est pas le plus jouissif dans l’immédiat. Mais j’ai confiance, cela devrait venir, avec le temps et une certaine lassitude de soi.

    L’écrit public à partir de soi, c’est jeter ce qu’on est devant soi, devant l’autre. Pas pour autant « se mettre en avant » par rapport aux autres ou « en jeter ». C’est plutôt un besoin pour lever la rétention, soulager ce qui est inhibé.
    Mon psy, me questionnait souvent : « est-ce que cela vous a étonnée ? ». Ah oui, se débarrasser du « je le savais », au moins un peu, et se surprendre. C’est cette folle entreprise que tente ce blog. Blog comme « barbare » à déchiffrer, comme « borgborygme » à prononcer dans un bégaiement, comme « glop-pas-glop » pour ceux qui connaissent. Être en avant de soi, et se surprendre. Jouer avec les mots, leur son, leur sens, leur souffle. Jouer avec les lettres.

    Étrangement, car je me considère comme pas bégueule (et j’ai bien l’impression que mes proches font de même), je suis particulièrement agacée par le parler actuel et ses tics. Trouver le bidule « qui va bien ». Horreur ! Qu’on en revienne au moins au latin du capitaine et que l’on choisisse ad hoc, ou tout simplement « pertinent » ou « qui convient » ou « efficace ». Et que dire du splendide « idoine » qu’il faut conseiller à tout un chacun de pratiquer pour le remettre en vie ?
    Pire, un vrai fléau au moment où je vous parle, le « coucou » omniprésent dans tout message et même dans les moments d’arrivée, le soir, à la maison : qu’on laisse tranquille un moment ce volatile usurpateur de nid !
    Et les systématiquement « belles » choses dans les souhaits : belle journée, belle année ; ou encore : « c’est une belle personne » dont on se gargarise. Qu’est-elle, cette personne non genrée ? Morale ? Correcte ? Bien élevée ? Sincère ? Un peu gourde ? Mon for intérieur (ma ford intérieure, comme disait une amie) se ratatine, se recroqueville, s’enfuit très loin et en même temps se hérisse : plus d’accueil, plus d’attention, black out pendant un instant. La répétition, la captation systématique de l’air du temps me sont peu supportables.
    Encore un exemple, « du coup ». Ah ! Ces deux mots, mis pour tant d’autres selon le contexte et le sens : par conséquent, et ensuite, ainsi, évidemment : mais ils sont encore là, ces mots, bon sang !
    Bref, j’aime les jolis mots employés à bon escient mais aussi les aventures de langue, les néologismes, l’abracadabrant et le supercalifragilisticsexpialidocious de Mary Poppins. Essayer de le faire dans un contexte presque public, en lâchant du lest sur la forme et les contenus m’amuse bien et pour le dire sincèrement, me soigne. En tout cas, ces billets sont des paris. Ça oui. Merci, donc.

     


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